Revue finale de Solvabilité II par l’EIOPA

Dans le cadre du processus de revue de Solvabilité 2, l’EIOPA a émis son avis final le 28/02/2018. Cet avis recalibre certains paramètres du SCR mais propose également des simplifications aux méthodologies définies afin de réduire la complexité des calculs. Si le texte n’a pas de statut règlementaire, ces recommandations devraient être appliquées par la Commission Européenne dans le cadre d’une mise à jour du règlement délégué Solvabilité 2 et impacter les calculs de SCR dès la clôture 2019.

Grâce à la mobilisation des acteurs de place, cette revue s’annonce plus favorable qu’initialement anticipé. Nous vous proposons ci-dessous une première lecture synthétique récapitulant les principaux points de cet avis, impactant l’évaluation du SCR.

Synthèse

L’EIOPA considère que les évolutions mentionnées ci-dessus auront, sur la globalité du marché de l’assurance Européen, les impacts suivants :

Complexité des calculs Impact sur le ratio de solvabilité
SCR Health Modification écart-types Neutre Négatif
Volume de primes Neutre Neutre
Risque catastrophe (santé et prévoyance) Positif Variable
SCR Non vie
(IARD)
Risque catastrophe d’origine humaine Variable Variable
Risque catastrophe naturelle Positif Variable
SCR Vie Risque de mortalité et longévité Neutre Neutre
SCR Marché Risque de taux Neutre Très Négatif
Risque de concentration Neutre Positif
Prêts/obligations non notés Neutre Positif
Actions non notées Neutre Positif
Transparisation Positif Variable
SCR Defaut Simplification Positif Neutre
Ajustement Précisions Neutre Négatif

Nous proposons de détailler ci-dessous chaque élément :

SCR Health :

Modification des paramètres d’écart-type des risques de primes et de réserve :

La position finale de l’EIOPA se révèle beaucoup moins pénalisante qu’anticipé notamment pour les mutuelles santé. En effet, pour ces dernières :

  • L’écart type du risque de primes est maintenu à 5% (alors qu’une augmentation de 20% était initialement envisagée).
  • L’écart-type du risque de réserve passe à 5,7% contre 5% actuellement mais l’impact reste très limité au vu des volumes engagés.

Maintien de la définition du volume de primes dans le risque de souscription (branches non-vie)  :

Sur ce point essentiel pour les acteurs, l’EIOPA a adopté une position plus modérée qu’anticipé sur les contrats annuels. Le statu quo sur la définition utilisée est maintenu et l’option initialement présentée, qui aurait conduit à un volume de primes proche de 16 mois, n’est finalement pas retenue (celle-ci aurait induit une augmentation sensible du SCR Health).

Risque Catastrophe :

  • Sur les sous modules « Accident de masse » et « Concentration d’accidents », l’EIOPA recommande
    • La suppression de l’évènement « Handicap de 10 ans causé par un accident »
    • La modification des ratios de personnes touchées par typologie (handicap permanent causé par un accident : passage de 1,5% à 3,5% ; handicap de 12 mois causé par un accident : passage de 13,5% à 16,5%)
  • Sur le sous module « pandémie » : l’EIOPA a étudié la possibilité que les autorités de contrôle locales (ie l’ACPR) précisent les prestations  maximales en matière d’hospitalisation, de consultation d’un médecin ou de soin médical non formel.

SCR Non-Vie (IARD, Branches non-vie hors Santé et Prévoyance) :

Modification des paramètres d’écart-type des risques de primes et de réserve :

Comme pour la santé, l’EIOPA a revu les coefficients de volatilité de la manière suivante :

Volatilité risque de primes Volatilité risque de réserve
Actuellement Après revue Actuellement Après revue
Crédit 12,0% 19,0% 19,0% 17,2%
Assistance 9,0% 6,4% 20,0% 22,0%
Protection Juridique 7,0% 8,3% 12,0% 5,5%

Risque Catastrophe :

Catastrophes d’origine humaine : l’EIOPA envisage une simplification du calcul du risque incendie (concentration sur un rayon de 200 mètres) et une modification du scénario « marin »

Catastrophes naturelles : l’EIOPA préconise une simplification des règles de calcul associée à une évolution de certains chocs et à une mise à jour des matrices de corrélation. Par ailleurs, il est envisagé la possibilité de prendre en compte un ajustement pour des dispositions contractuelles spécifiques.

SCR Vie :

Aucune évolution n’est finalement proposée sur ce module. L’avis initial prévoyait une augmentation du choc de mortalité de 15% à 25% qui aurait pu conduire à une hausse sensible du SCR Vie.

SCR marché :

SCR taux :

La modification principale concerne le risque de taux où une composante fixe est ajoutée au choc proportionnel. Ce calcul implique une augmentation des chocs qui devrait être toutefois moins pénalisante que les deux méthodes initialement envisagées. Par ailleurs, l’avis prévoit un lissage de l’impact sur trois ans pour le choc de taux à la baisse.

À titre d’illustration, au 31/12/2017, avec cette nouvelle méthodologie, le coût en SCR d’une obligation de duration 5 ans serait de l’ordre de 8% (contre moins de 5% actuellement).

Autres modules :

Les autres modules du risque de marché sont également modifiés mais l’impact devrait être plus limité :

  • SCR concentration : des précisions sont apportées (notion d’exposition sur signature unique, traitement des expositions « mixtes » etc
  • SCR spread et action : sous certaines conditions (ratios financiers, localisation, diversification) et dans la limite de 5% des placements
    • Certains prêts ou obligations non notés pourraient être choqués comme des obligation de qualité de crédit égale à 2 ou
    • Certaines actions non côtés pourraient être choquées comme des actions de type 1
  • Transparisation : certaines simplifications sont proposées (possibilité de recourir au dernier reporting disponible en l’absence de données à  la date de calcul du SCR

SCR de contrepartie :

De nouvelles simplifications ou modifications sont proposées aussi bien sur la réassurance (notamment pour les acteurs mono branche) que sur les dérivés de crédit. L’impact devrait toutefois être relativement limité au vu du poids du SCR de contrepartie.

SCR Ajustement :

L’EIOPA souhaite mieux encadrer la réduction de SCR liée aux impôt différés et propose à cet effet les élément suivants :

  • Définition de principes clés pour évaluer l’ajustement visant à tenir compte de la capacité d’absorption de pertes des impôts différés
  • Elargissement des missions de la fonction actuarielle à la validation des hypothèses utilisées pour modéliser les profits futurs dans le    SCR Ajustement et le bilan
  • Les rapports narratifs devraient également aborder les profits futurs éventuellement pris en compte dans le SCR Ajustement et le bilan.

De par sa vision du marché de l’assurance Français et toutes choses égales par ailleurs, Actelior anticipe l’impact de la révision de la formule standard comme faible pour les organismes d’assurance santé. Les assureurs vie et branches longues (retraite notamment) devraient cependant voir leur ratio de solvabilité se dégrader. Enfin, nous pouvons nous attendre à une amélioration du ratio de solvabilité des assisteurs.

Si ces modifications n’entreront en vigueur que pour la clôture 2019, le cabinet Actelior en intègrera les impacts dès le prochain exercice ORSA.